L'Oncologie Interventionnelle
L'Oncologie Interventionnelle (OI) regroupe de nombreuses procédures extrêmement variées d'un point de vue technique. Comme cette discipline est plus centrée sur le patient et sa maladie que spécifiquement sur un organe, l'oncologue interventionnel doit rester relativement généraliste. Il doit cependant maitriser non seulement la plupart des techniques disponibles mais surtout l'algorithme décisionnel afin de proposer le meilleur traitement au meilleur moment au meilleur patient. Des procédures différentes peuvent être proposées successivement ou bien combinées simultanément chez un même patient les rendant alors très complexe. Comme pour toute discipline, le compagnonnage et les échanges en réunion de concertation multidisciplinaire sont donc essentiels. La nature peu invasive des procédures d'OI signifie que les suites opératoires sont généralement simples, courtes et peu douloureuses permettant de réduire les soins post-opératoires. De nombreuses procédures peuvent être effectuées en ambulatoire, sous anesthésie locale et/ou sédation, libérant des lits d'hôpitaux. Les coûts sont ainsi réduits s'ils sont analysés dans leur globalité. Néanmoins, beaucoup de travail reste encore à faire. Outre la nécessité d'une reconnaissance des actes d'OI par les pouvoirs publics, 4 axes de développement sont à considérer.
Le premier axe est l'amélioration de la sélection des patients et de la planification des procédures. Un bilan de grande qualité doit être systématiquement réalisé afin de ne pas méconnaitre le stade de la maladie ou les variantes anatomiques, sources respectivement d'échec du traitement et de complications. L'analyse des images acquises de façon multimodale (échographie, scanner, IRM, TEP) apparait essentiel lors de la discussion d'un dossier, tout comme leur comparaison dans le temps. Cette analyse contribue à mieux orienter le traitement et à répondre aux questions de base suivantes: (A) La procédure est-elle techniquement réalisable? (B) Quelle est la meilleure approche de la cible? (C) Existe-il des variantes anatomiques? (D) Quels sont les risques sur les structures de proximité? Bien que les radiothérapeutes utilisent des logiciels de planification sophistiqués pour optimiser leurs procédures, les systèmes similaires pour l'oncologie interventionnelle sont encore à leurs balbutiements. Même si une évaluation reste requise, certains sont maintenant proposés appliquant des modèles mathématiques permettant de visualiser les vaisseaux afférents à une tumeur ou prédire la croissance tumorale (Figure 1A). Un autre aspect de la planification peut inclure des systèmes de simulation qui permettent aux médecins de ne pas simplement revoir les images mais aussi de réaliser une procédure virtuelle avant l'intervention.
Le deuxième point est l'amélioration du guidage des procédures afin de les rendre plus sûres et plus rapides. Bien que la plupart des thérapies guidées par l'image utilise l'équipement d'imagerie diagnostique standard, l'utilisation en OI requiert surtout une imagerie en temps réel, au mieux en 3D, tout en limitant la dose. Contrairement à l'imagerie diagnostique, la baisse de la qualité d'image est un compromis acceptable pour l'imagerie en temps réel des procédures réalisées sous contrôle scanner, IRM ou échographique. Le mode séquentiel ou la fluoroscopie en scanner ont permis d'améliorer le guidage des procédures en limitant les déplacements des médecins tout en leur permettant de surveiller en permanence le placement d'une aiguille. Le guidage IRM apporte en plus de cela la 3D mais requiert souvent un équipement spécifique et donc couteux. En alternative, le développement des systèmes Cone-Beam CT semble extrêmement prometteur. Les avancées récentes permettent d'effectuer des reconstructions 3D des pédicules afférents aux tumeurs, facilitant les procédures d'embolisation.
Tout comme l'utilisation des produits de contraste peut aider à mieux cibler les tumeurs en améliorant leur visualisation, les marqueurs plus ou moins spécifiques apparaissent utiles lors des procédures réalisées sous guidage TEP. Toutefois l'utilisation de cette technologie doit encore être évaluée. Une méthode potentiellement plus simple permettant d'utiliser toutes les modalités d'imagerie disponibles et de guider les procédures sans administrer de façon répétée un produit de contraste est l'utilisation de la fusion d'image. La fusion d'image peut être réalisée pour combiner une imagerie métabolique (TEP) avec l'imagerie anatomique (scanner) ou pour combiner en temps réel l'imagerie anatomique avec une deuxième modalité d'imagerie anatomique acquise antérieurement (IRM). La fusion des images scanner ou IRM aux images échographiques est disponible commercialement, principalement pour guider les biopsies de la prostate. Des difficultés techniques persistent néanmoins dues à la respiration ou le positionnement des patients, et à la déformation des organes. Pour remédier à cela, des outils de navigation sont maintenant proposés. De simples capteurs de position fixés aux dispositifs médicaux et aux patients peuvent permettre de suivre la position en temps réel des instruments utilisés au cours d'une procédure en affichant le trajet de l'aiguille sur des images préalablement acquises (Figure 1B). Ceci peut être aussi un moyen de limiter l'exposition aux rayonnements. Actuellement commercialisés, ces dispositifs sont simples d'utilisation et d'apprentissage rapide. Pour améliorer le placement des dispositifs tout en limitant l'impact de l'expérience de l'opérateur, l'approche robotique peut être également intéressante tout en offrant une plus grande précision. Toutefois ces robots restent à évaluer en soin courant.
Le troisième objectif est de mieux appréhender l'action des techniques au cours du geste et de mieux identifier les marges. L'injection de produit de contraste en échographie, scanner ou IRM peut aider à identifier les zones devascularisées. Ces techniques permettent de visualiser également les zones couvertes par la glace lors d'une cryoablation. La thermométrie IRM peut également être une méthode de suivi du dépôt local d'énergie lors des procédures hyperthermiantes (ultrasons focalisés ou laser). Plus récemment, le TEP-scanner a été proposé pour permettre à la fois la localisation et l'évaluation de l'efficacité du traitement par l'injection de 2 doses successives de FDG. La disparition de l'hypermétabolisme en fin de procédure signe l'efficacité du traitement (Figure 1C).
Finalement, le quatrième axe est le besoin impérieux de suivre convenablement les patients traités. Le but est de non seulement détecter précocement des complications, de dépister des reliquats ou des récidives au niveau de la zone traitée mais aussi localement ou à distance, mais surtout de mieux appréhender les effets retardés des traitements. L'objectif est d'améliorer constamment la connaissance de ces procédures et de permettre de mieux sélectionner les patients à l'avenir. Les patients doivent donc bénéficier d'explorations cliniques et radiologiques périodiques de qualité. L'interprétation de ces images pouvant être extrêmement difficile étant donné les changements attendus après traitement, elle doit donc être réalisée en connaissance de l'imagerie initiale et de la procédure, de préférence avec injection de produit de contraste (Figure 1D). Les critères actuels d'évaluation (ex: RECIST) ne sont pas satisfaisants justifiant le développement de méthodes alternatives et d'établir des recommandations.
En conclusion, même si de nombreux développements sont encore à venir, l'oncologie interventionnelle permet dés à présent de proposer de nouvelles perspectives mini-invasives aux patients touchés par un cancer quelque soit le stade de leur maladie.